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Étude sur la diminution de l'agrobiodiversité

Une nouvelle étude de l'Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT) montre à quel point la situation est grave pour l'agrobiodiversité dans le monde. Quintessence : Il est maintenant nécessaire de remplacer le paradigme de l'uniformité qui prévalait au 20ème siècle par un paradigme de la diversité pour le 21ème siècle.

Ces dernières décennies, l’agrobiodiversité s’est effondrée de manière dramatique : des 7,000 espèces de plantes autrefois cultivées, seules 80 espèces apportent encore une contribution majeure à l’alimentation mondiale actuelle. Il est donc crucial de la restaurer en tant que pilier de la sécurité alimentaire. Une nouvelle fiche d’information de l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT) compilée de concert avec une équipe de chercheurs du Centre for Development and Environment (CDE) de l'Université de Berne, décrit ce phénomène de déclin et ses conséquences, tout en proposant des pistes à suivre en matière de politique et de recherche.
La mondialisation de l’agriculture industrielle, l’uniformité des aliments commercialisés et les systèmes alimentaires normés ont fait chuter l’agrobiodiversité : seules trois espèces végétales, à savoir le riz, le maïs et le blé fournissent la moitié des calories d’origine végétales tandis que 93% de la production de viande proviennent de seulement quatre espèces animales: porc, volaille, bœuf et buffle.
Les estimations par pays illustrent ce déclin : en Chine, environ 90% des 10 000 variétés de blé cultivées en 1940 avaient disparu en 1970. Aux E-U, 80-95% des variétés de pommes, choux, maïs, pois et tomates ont disparu entre 1904 à 2000. Le même déclin est observé dans la diversité animale. En Europe et en Amérique du nord, la race Holstein représente pas moins de 60% et 90% des vaches laitières, respectivement.

Diminution des risques dus aux extrêmes climatiques, attaques de ravageurs et maladies
La sécurité alimentaire est assurée par l’agrobiodiversité. En effet, la culture et l’élevage de nombreuses espèces, variétés et races de plantes et d’animaux diminuent les risques pour la production agricole dus notamment à des extrêmes climatiques, des attaques de ravageurs et des maladies.
Par ailleurs, les cultures locales diversifiées, complétées par des espèces sauvages, assurent un régime sain. Dans les domaines de la santé et de la médecine notamment, des dizaines de remèdes efficaces, de l’aspirine aux nouveaux médicaments anti-cancer, proviennent tout ou en partie de plantes sauvages ou cultivées.
Autre aspect non des moindres, les zones avec une riche agrobiodiversité aident à réguler les cycles de l’eau, à fournir un habitat sûr pour les pollinisateurs (abeilles, papillons) et pour la faune qui remplit des tâches irremplaçables telle la lutte contre les ravageurs.

Les petits et moyens exploitants : principaux gardiens de l’agrobiodiversité
Les petits paysans exploitent des zones cruciales souvent situées entre des monocultures. Tout en n’occupant que 24–28% des surfaces agricoles, ils assurent une production alimentaire qui représente la moitié des calories mondiales produites. Ces petits exploitants sont donc les véritables porteurs d’une transition agroécologique vers des systèmes alimentaires plus durables, et non des agriculteurs d’un autre âge.

Une politique de diversité plutôt que d'uniformité
Le destin des petits et moyens exploitants est donc indissociable de l’agrobiodiversité mondiale : la disparition des uns entraîne celle de l’autre. La fiche d’information recommande ainsi aux décideurs politiques de soutenir efficacement les systèmes alimentaires favorisant l’agrobiodiversité et les exploitants qui la maintienne. Ce faisant, le paradigme de l'uniformité qui prévalait au XXe siècle doit être remplacé par un paradigme de la diversité pour le XXIe siècle, par exemple en construisant un système mondial de semences basé sur le libre usage et l'échange.
La Suisse détient une responsabilité certaine dans cette dynamique puisqu’elle est le siège de la plus grande société de « biens de consommation courants », d’acteurs mondiaux du commerce agricole ainsi que du développement et de la vente de l’agrochimie et de semences génétiquement modifiées. Le pouvoir croissant de ces conglomérats de l’agrobusiness est déterminant : leur modèle de gestion dépend de la croissance et de la consolidation de systèmes alimentaires de monoculture qui menace directement l’agrobiodiversité.


Dans cette fiche, l'accent est mis sur les animaux d'élevage et les cultures, leurs parents sauvages et les services écosystémiques qui servent à la production agricole et à la nutrition. La définition de l'agrobiodiversité est encore plus large : L’agrobiodiversité englobe tous les éléments constitutifs de la diversité biologique qui relèvent de l'alimentation et de l'agriculture, et tous les éléments de la diversité biologique qui constituent les écosystèmes agricoles (ou agroécosystèmes). Le terme recouvre, au niveau génétique, à celui des espèces et des écosystèmes, la variété et la variabilité des animaux, des plantes et des micro-organismes nécessaires au maintien des fonctions clés de l'écosystème agricole, de ses structures et de ses processus (COP, CBD 2013).

La fiche d'information a été élaborée par la KFPE (Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement) et le Forum Biodiversité de la SCNAT, en étroite collaboration avec une équipe de chercheurs du CDE (Centre for Development and Environment) sous la direction du Prof. Dr Stephan Rist de l’Université de Berne. Des experts internationaux d'ONG et d'universités européennes, de même que la DDC (Direction du développement et de la coopération) ont également été impliqués.

Source: SCNAT